REVELATION : SUJET BRULANT

Plus grave
 que Depardieu, 
l’argent caché du CAC 40 en Belgique

Source : Capital
04/03/2013 à 06:30 / Mis à jour le 04/03/2013 à 06:30
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© REA
Passée inaperçue jusqu’ici, une niche fiscale belge permet à nos grands groupes 
de déménager des milliards en Belgique. Ils ne s’en privent pas.

S’ils cherchent de l’argent pour faire tourner leurs hauts-fourneaux, le leader CFDT Edouard Martin et ses collègues ouvriers de Florange devraient venir faire un tour au 66, boulevard de l’Impératrice, à Bruxelles. Ici, au 3e étage d’un immeuble austère, leur employeur a logé une discrète filiale baptisée ArcelorMittal Finance and Services. Le réceptionniste évoque «un centre de facturation», une employée descendant pour déjeuner confirme : «Oh, nous sommes juste une toute petite structure, vous savez.» Le Belge est modeste : fin 2011, les actifs de cette société atteignaient 48 milliards d’euros, les deux tiers des recettes annuelles de notre impôt sur le revenu ! Habilement placé, ce trésor de guerre a généré en 2011 un profit de 1,6 milliard d’euros. Et, ô miracle, ArcelorMittal, qui préfère garder le silence à ce sujet, n’a pas payé un centime d’impôt dessus. Pas plus que l’année précédente, d’ailleurs.

Le géant de l’acier pourra toujours plaider qu’il n’est pas le seul à mettre les doigts dans la confiture. Comme le révèlent les chiffres exclusifs de Capital, quasiment tout le CAC 40 profite pareillement de cette niche fiscale belge, jamais évoquée en France, et baptisée «intérêts notionnels». D’après les calculs de l’économiste Benoît Boussemart, auteur de «La Collusion des pouvoirs face à la crise» (Editions Estaimpuis), les dix-huit plus gros bénéficiaires de cet avantage ont placé outre-Quiévrain près de 100 milliards d’euros. Rien qu’en 2011, ces fonds leur ont rapporté 3,6 milliards d’euros, sur lesquels ils n’ont payé que 67 millions d’euros d’impôts, un taux ridicule de 1,8%, comparé aux 33,3% dont ils auraient dû s’acquitter en France. Le montant ainsi soustrait au fisc, essentiellement français, dépasse 2 milliards d’euros depuis 2010. Un sacré cadeau que le Medef nous avait bien caché.

Les entreprises peuvent déduire 3% de leurs fonds propres

Sur le papier, le concept d’intérêt notionnel n’a pourtant rien de scandaleux. Petit cours de comptabilité : quand une société a besoin d’argent frais pour investir, elle a le choix entre emprunter (et payer des intérêts aux banques) ou lever des fonds propres (et verser des dividendes aux actionnaires). Or, si les intérêts d’emprunt sont déductibles du bénéfice imposable, les dividendes ne le sont pas. L’entreprise est donc encouragée à s’endetter plutôt qu’à augmenter son capital. «Il fallait corriger cette distorsion fiscale», explique Manoël Dekeyser, avocat en droit des affaires à Bruxelles.

 

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© Capital
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Mais comment faire ? «Exonérer de tout impôt le versement de dividendes serait contre-productif, car il n’est pas bon pour l’économie que les entreprises rémunèrent trop leurs actionnaires», poursuit Me Dekeyser. Mieux vaut en effet qu’elles consacrent leurs profits à l’investissement. Une autre idée a donc émergé, suggérée par l’économiste Bruno Colmant (lire son interview page 22), puis mise en application en 2005 par le ministre des Finances de l’époque, Didier Reynders : retrancher chaque année de la base taxable des entreprises un montant équivalent à 3% de leurs fonds propres. Grâce à quoi le fisc belge peut se targuer d’encourager les sociétés à augmenter leur capital, mais pas à forcer sur les dividendes. CQFD.

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